La pseudo-science à l’Académie... des sciences!
Les lecteurs des Compte-rendus de l’Académie des sciences auront
pu remarquer deux articles relatifs à l’anisotropie
éventuelle de la vitesse de la lumière (ALLAIS 1999a;
ALLAIS 1999b); ces articles ont été réfutés
(BALIAN 2000), la réfutation ayant ensuite été
contestée par l’auteur initial (ALLAIS 2000).
De quoi s’agit-il? Maurice ALLAIS, prix Nobel d’économie, a un
“violon d’Ingres”, la physique. Faute de pouvoir se livrer à des
expériences (des tentatives anciennes n’ayant convaincu
personne, les moyens nécessaires pour continuer lui avaient
été refusés), il s’efforce de mettre en
évidence une faille du “paradigme” en vigueur en
réinterprétant les expériences anciennes de Dayton
MILLER (1933) Celui-ci avait refait l’expérience classique de
MICHELSON, dont l’échec a été le point de
départ de la Relativité restreinte. On sait que dans la
vision pré-relativiste de “l’éther” il doit être
possible de mesurer une anisotropie de la vitesse de la lumière
au moins égale à la vitesse orbitale de la Terre (29
km/s): MICHELSON avait montré que l’anisotropie, si
elle existait, était significativement inférieure
à cette valeur (mais pas “nulle” comme beaucoup de manuels de
Physique l’écrivent, car on ne peut montrer par
l’expérience que quelque chose est nul, mais seulement
fixer une limite supérieure)
MILLER pensait avoir montré un “entraînement partiel” de
“l’éther” par la Terre. Avec une version améliorée
de l’appareil de MICHELSON, il trouvait un résultat compatible
avec zéro dans une cave au niveau de la mer, mais une valeur
significativement non nulle (quelques km/s) et variant selon la
position de la Terre sur son orbite en se plaçant en montagne
dans un bâtiment léger supposé ne pas faire
obstacle à cet entraînement partiel.
Les résultats de MILLER ont été unanimement
contestés par les scientifiques, d’une part à cause des
imperfections de son dispositif, d’autre parce qu’un grand nombre de
résultats directs et indirects indiquent qu’une anisotropie
éventuelle de la vitesse de la lumière ne pouvait
dépasser quelques m/s, soit trois ordres de grandeur de moins.
ALLAIS a procédé à un réexamen statistique
des données publiées par MILLER qu’il déclare
significatives, et qu’il interprète comme une anisotropie de
l’espace et non comme un entraînement partiel de l’éther.
Comme le montre bien BALIAN (2000), cette interprétation n’est
pas convaincante et reste en contradiction avec un vaste ensemble
d’autres résultats. En fait, étant donné n’importe
quelle série, suffisamment bruitée, de valeurs
expérimentales, on peut toujours choisir a posteriori une loi
statistique qui s’y ajustera.
Comment, après quelques tentatives de résistance,
l’Académie a-t-elle pu laisser passer de tels textes, au risque
de détruire la crédibilité internationale de ses
Compte-rendus? D’après ce que j’en sais, de fortes pressions se
sont exercées, assorties de la menace d’une campagne de presse
sur le thème de la science “officielle” étouffant les
idées dérangeantes.
En examinant de plus près les propos d’ALLAIS (pas seulement
ceux des papiers visés ci-dessus ) on s’aperçoit que son
véritable objectif est d’attaquer la théorie de la
relativité, effectivement incompatible avec les résultats
supposés de MILLER. Il imagine que la vérité
officielle serait monopolisée par une sorte de maffia, qu’il
appelle “les relativistes” qui étoufferait toutes les voix
discordantes, dont bien sûr la sienne. S’agit-il d’une simple
paranoïa? Ou y a-t-il un dessein politique, auquel on peut penser
quand on sait que la Relativité était honnie par les
nazis comme “science juive” et que dans le domaine de l’économie
appliquée les positions récentes d’ALLAIS s’apparentent,
jusque dans le vocabulaire, à celles d’un parti bien connu
d’extrême droite? Cela est du reste conforté par la
publication, dans la revue FUSION (ALLAIS 2001) d'un texte relatif
à d'anciennes expériences, bien entendu
invérifiables et contraires à tous les résultats
physiques connus; il faut savoir que FUSION est l'émanation de
la filiale française (dirigée par Cheminade, candidat
marginal à l'élection présidentielle de 1995) du
politicien Américain LaRouche, dont les positions ambiguës
et versatiles, mais globalement antisémites et d'extrême
droite, sont connues.
Sans aller jusqu’à faire un tel procès d’intention, on
peut tout de même s’étonner de l’imprudence (ou de la
lâcheté) de l’Académie dans cette affaire. Tout
cela n’est pas favorable à une bonne compréhension par le
public de la science et de la manière dont elle s’établit
et se valide. Bien sûr le public ne lit pas les Compte-rendus,
mais la caution qu’ils apportent pourrait être largement
exploitée.
Références
ALLAIS M.1999a CRAS t 327 série IIb p 1405-1410
ALLAIS M. 1999b CRAS t 327 série IIb p 1411-1419
ALLAIS M. 2000 CRAS t 1 série IV p 1205-1210
ALLAIS "l'action d'un champ magnétique sur le mouvement d'un
pendule" FUSION N° 83, sept-oct 2001
BALIAN R. 2000 CRAS t 1 série IV p 249-250
MILLER D. 1933 Rev Mod Phys t 5 p 203
texte rédigé par
Jean.Gunther ayant son mail chez wanadoo.fr
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Si la relativité et la physique théorique vous intéresse, une présentation rénovée se trouve ici: La relativité restreinte rendue intuitive - English version: Special relativity theory made intuitive