Il rejette la mécanique quantique...

La démarche de Nottale est de nier et rejeter la mécanique quantique dans ses fondements pour revenir à vision du monde relavant de la métaphysique classique.
Au nom de quoi rejette-t-il les fondements quantiques ? A la lecture de ses motifs exposés dans "Fractal Space-time and Microphysics",  du fait que, étant basée sur une liste de plusieurs axiomes non intuitivement évidents à priori, elle serait "mystérieuse", en manque d'"explications". Quoi de mal à nécessiter plusieurs axiomes ? La géométrie euclidienne aussi nécessite plusieurs axiomes pour être définie, qui ne sembleraient pas évidents à qui n'aurait jamais vu un espace, mais ce n'est pas pour cette raison-là qu'elle est à rejeter il me semble. Car ce au profit de quoi elle fut remise en question, comme la relativité générale, ne serait guère plus aisé à axiomatiser.
Même la théorie des ensembles nécessite plusieurs axiomes, alors...

...en fermant les yeux sur ses résultats pourtant bien établis expérimentalement

Tout physicien théoricien qui se respecte devrait savoir que les conséquences déjà bien vérifiées de la physique quantique ont désormais définitivement réfuté toute tentative d'explication de la physique par des lois qui à la fois:
- locales et relevant d'une métaphysique classique, c'est-à-dire décrivant un univers fait d'un espace topologique (la question de sa différentiabilité n'y change strictement rien) où en chaque lieu les systèmes physiques possèdent un état précis ayant le titre de réalité, et les lois de la physique s'expriment par des relations locales (ceci inclut le cas de lois probabilistes et la possible présence de variables physiques inobservables)
- où aucune information ne se transmet plus vite que la lumière (en particulier, les conceptions compatibles avec le principe de relativité restreinte et satisfaisant la condition précédente entrent dans ce cas)

Pour vraiment comprendre le pourquoi de cette conclusion, il est nécessaire d'examiner les détails de la démonstration, qui s'appuie sur le fameux paradoxe EPR et sa violation des inégalités de Bell qui est bien vérifiée expérimentalement. Les gens qui ne sont pas au courant sont donc invités à s'instruire à ce sujet, par exemple par la lecture du livre "Introduction à la physique quantique" de Valerio Scarani; ou des références sur le paradoxe EPR et la violation des inégalités de Bell qui a été vérifiée expérimentalement (je profite pour rappeller que j'ai fait une présentation du paradoxe EPR dans mon texte de relativité).

Bien sûr cela ne fige pas complètement la manière dont on peut concevoir la physique, mais oblige, tant qu'on veut garder le principe de relativité donc, à rejeter les idées métaphysiquement classiques et ne considérer donc que des théories de type quantique, autorisant des combinaisons linéaires quantiques d'états globaux de systèmes et les corrélations qui en résultent, avec un rapport à l'observation conforme, du moins en approximation, avec ce qu'en énonce la MQ. Ainsi par exemple la théorie quantique des champs ne s'exprime pas exactement (en apparence) dans le même langage que la mécanique quantique de base mais préserve en substance cette situation.

Or la vision du monde que propose Nottale relève clairement d'une métaphysique classique. C'est donc un retour en arrière et la voie du ridicule dans la mesure où il prétend étendre le principe de relativité, alors que pour avoir une chance de rendre compte des résultats expérimentaux suivant une métaphysique classique il faudrait nécessairement rejeter le principe de relativité.

Expliquons maintenant pourquoi même le seul fait de concevoir un espace-temps comme un espace topologique "fractal" fait de points avec une structure géométrique non plate et en évolution suivant de quelconques lois de la physique, et dedans, des systèmes physiques (particules...) à la structure fractale également, constitue un retour en arrière par rapport à la physique quantique.

Bien sûr, en mécanique quantique ordinaire l'espace-temps est un espace plat, ensemble de points, mais c'est parce que ce n'est pas l'objet de la théorie mais son cadre. Par contre les objets de la mécanique quantique ne sont pas définis par des figures géométriques en un sens classique, en particulier la "trajectoire" de l'électron n'est pas définie comme ensemble d'évènements.

Mais si l'espace-temps n'est pas plat mais a une forme assujettie à de quelconques lois physiques, il a alors plusieurs états possibles en chaque lieu, et, ces états dépendant de conditions liées à la matière, en vertu de la mécanique quantique on pourra toujours faire des combinaisons linéaires quantiques entre ces états de l'espace-temps, de sorte que l'espace-temps ne sera pas fait d'évènements définis avec certitude, au sens des états purs de la physique quantique.

Ceci nous amène donc forcément au-delà de toute notion "classique" d'espace-temps, je ne veux pas dire en particulier l'espace-temps de Galilée, ou de Minkowski, ni même de la relativité générale, mais toute notion d'espace-temps comme espace topologique fait de points et muni d'une quelconque structure géométrique. Le rejet soi-disant révolutionnaire par Nottale de l'hypothèse de différentiabilité ne change rien à cette affaire: différentiable ou pas, tout espace-temps défini comme ensemble d'évènements formant un espace topologique, est un espace-temps classique c'est-à-dire non quantique.

Voilà donc, sa théorie étant métaphysiquement classique et relativiste, même s'il arrive à construire quelque chose qui obéit à une équation ressemblant à celle de Schrödinger, il ne pourra jamais rendre compte des résultats de la théorie quantique. Je n'ai jamais lu ailleurs l'affirmation que l'équation de Schrodinger à une particule (et à une dimension), en tant qu'équation aux dérivées partielles, était sensée manifester l'étrangeté de la mécanique quantique, son caractère fondamental. Le paradoxe EPR, si.

Pour restituer avec l'équation de Schrödinger l'essence de la physique quantique (qu'il y ait une correspondance de nature), il faudrait au moins pouvoir lui associer l'axiome de la mesure quantique. D'ailleurs, voir dans les messages de newsgroup quelqu'un affirmant avoir constaté que cela ne correspond pas.

Quelqu'un m'a écrit:

"Concernant la non compatibilité du phénomène EPR et la relativité d'échelle, on peut faire la même critique concernant la relativité générale qui est incompatible avec la mécanique quantique"

Aucun rapport; il faut vraiment ne pas connaître la physique pour imaginer des analogies pareilles. D'ailleurs c'est faux: il n'y a pas d'incompatibilité entre physique quantique et relativité générale. Il y a seulement des difficultés dans le problème de la quantification de la gravitation, certes très grandes sur le plan technique quand on rentre dedans mais dont des pistes de résolutions possibles sont actuellement explorées, à grand renforts de travaux très pointus, par le développement de la gravitation quantique à boucles et des supercordes. L'idée d'une incompatibilité fondamentale inscrite dès les hypothèses de départ n'est qu'une élucubration de Laurent Nottale: précisément de la manière dont il prétend rendre compte de cette soi-disante incompatibilité dans son livre "la relativité dans tous ses états" c'est une contre-vérité, déformation éhontée d'un stupide compte-rendu de vulgarisation que ne défendrait aucun physicien théoricien de la théorie quantique des champs qui se respecte. Nottamment, d'après ce que j'ai lu, la gravitation quantique à boucles serait précisément l'aboutissement normal du long travail de quantification du champ gravitationnel découlant "naturellement" du problème initial  une fois surmontées les difficultés techniques (problème qui lui est assez "bien défini" conceptuellement comme traitement de telle notion par telle autre notion, sans contradition de principe).
Nottale a présenté mécanique quantique et gravitation comme contradictoires par principe pour une raison triviale très précise, à savoir que la mécanique quantique postulerait un espace plat tandis que la gravitation utilise un espace courbe. Or ce compte-rendu est complètement faux, ce qui semble montrer son ignorance des principes de la mécanique quantique et du fait qu'ils ne sont nullement des principes de platitude de l'espace (même si d'habitude on ne les utilise que dans des espaces plats).
A la différence de cela, le problème EPR est bien celui d'une incompatibilité de principe sur des questions claires et directement observables de façon expérimentale: la violation de l'inégalité de Bell sur les particules corrélées. Cela a été observé, c'est donc un fait. Ce que la relativité d'échelle nie dans son principe puisqu'elle est une théorie classique, n'incluant pas les superpositions globales d'états de l'espace-temps.
Bien sûr ce qui permet à la RG de garder une valeur contrairement à la RE c'est que la relativité d'échelle prétend englober les phénomènes quantiques et le prétend donc à tort, tandis que la relativité générale ne le prétend pas mais se place explicitement dans la catégorie des interactions classiques (a priori du même style que toute autre interaction classique sur lequel le travail de quantification peut s'effectuer).


Retour : critique de la relativité d'échelle de Laurent Nottale
Analyse de "Fractal space-time and microphysics" chapitre 1

Si la relativité et la physique théorique vous intéresse, une présentation rénovée se trouve ici: La relativité restreinte rendue intuitive - English version: Special relativity theory made intuitive